Eva Vedel, Le temps comme relation. Mémoire en design, mention design des Communs dirigé par Sylvia Fredriksson, ESAD Orléans, DNSEP 2021.
Cet écrit est lié au projet Dataglyphe.zip.
Résumé / abstract[1]Within our societies, we have manufactured a temporality out of synch with Earth. Digital is proving to be the proper tool for the endless exponential growth promoted by modernity. Carried away in a spiral of acceleration, our bitter feeling of lacking time is only an effect of an alienating relationship with the world in general. Computational design supports technical acceleration through the conquest of our environments, the full availability of things and the results-based culture.
This thesis makes the assumption that the computation, a tool of control, is a creative process emitting unexpected deviations, otherness and unexpected subjectivities. To this end, it establishes a critical re-reading of the digital history through the prism of social acceleration, and signifying the digital uses which contribute to the crises of time. The posture of designers defended here, presents technique (computation or craftsmanship) as an erratic force, generating new aesthetic and symbolic dimensions. It seeds several approaches of reflection for design research: digital datas are a design material, we should deconstruct the traditional pedagogy of design by increasing the value of craft, and defining the designer as co-creator within a network composed of various entities (human and no-human).
This text initiates reflections on temporality in design, without insinuating itself into pure serendipity, but by claiming design research under the concept of the Kairos (καιρός). Thereby, by changing the way we make our objects, we could also change the way objects make us, in the hope of reinventing our relationship to the environment and thwart the crisis of time.
Au sein de nos sociétés, nous avons fabriqué une temporalité désynchronisée de la Terre. Le numérique s’avère être l’outil adéquat en faveur de la croissance exponentielle sans fin promue par la modernité. Emportés dans une spirale d’accélération, notre âcre sensation de manquer de temps n’est qu’un effet d’une relation aliénante face au monde en général. Le design computationnel épaule l’accélération technique par la conquête de nos milieux, la mise à disposition des choses et la “culture du résultat”.
Ce mémoire fait l’hypothèse que le numérique, outil de maîtrise et de contrôle, est un processus plastique émettant des déviations imprévues, des altérités et des subjectivités inopinées. Pour cela, il établit une relecture critique de l’histoire du numérique au prisme de l’accélération sociale, en signifiant les usages de cet outil contributeurs des crises du temps. La posture de designer défendue ici présente les techniques (la computation, les arts de faire) comme une force erratique, génératrice de nouvelles dimensions esthétiques et symboliques. Elle met en germe plusieurs axes de réflexion pour la recherche en design : attribuer aux données numériques un statut de matériau, restaurer une pédagogie par le faire, et définir le designer comme co-créateur au sein d’un réseau composé d’entités diverses (humaines et non-humaines).
Ce texte engage une réflexion sur la temporalité dans le design, sans en déférer à la pure sérendipité, mais en revendiquant un schéma de recherche sous le concept du Kairos (καιρός). Ainsi, en modifiant la manière dont nous fabriquons nos objets, nous pourrions modifier la manière dont les objets nous fabriquent aussi, dans l’espoir de réinventer notre relation à l’environnement et déjouer les crises du temps.